De la gestualité de la couleur à la sagesse du dessin

Francesca Caruana est artiste plasticienne, poète et universitaire.

D’origine maltaise et andalouse, née au Maroc, Francesca Caruana interroge très tôt le rôle de l’art par la diversité des supports, le détournement d’objets, une adaptation aux lieux d’exposition et un intérêt précoce pour l’environnement. Conjuguant sa culture méditerranéenne et la richesse exogène, sa démarche est pétrie de gestualité, autant que de formes consignées par la narration. Cela a donné lieu à de nombreuses expressions esthétiques (expositions, écriture, spectacles de peintures/série pour Radio-France, commissariats d’expo, publications…)

Pourquoi êtes-vous devenue artiste et comment ?

Enfant tant que je n’ai pas su écrire, je remplissais des feuilles de simulacres d’écritures, ça avait l’avantage des contrastes, des envolées de pleins et de déliés. Plus tard à quatorze ans, j ’ai appris qu’il existait des écoles d’art. Je n’en revenais pas. J’ai opté pour cette voie. D’abord en m’inscrivant aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, puis l’année suivante à Marseille, sans l’autorisation de mes parents, chaque fois l’effet boomerang fut immédiat. Retour à la maison. J’ai finalement intégré, après le bac, l’Ecole des beaux-arts de Montpellier où j’ai obtenu le diplôme national. J’ai repris ensuite tout en travaillant des études en arts plastiques et esthétique à la Sorbonne. Et enfin un doctorat de sémiotique de l’art. Je n’ai jamais cessé de peindre, d’inventer des arrangements de matériaux, d’écrire des poésies… et, pour vivre, j’ai passé le concours national et j’ai enseigné à l’université.

Comment définiriez-vous votre pratique ?

Ma pratique est pluridisciplinaire, j’aime la peinture et j’adore les supports, changer de matières, m’étonner avec des formats, des histoires différentes. Avec une constante qui est la gestualité de la couleur et la sagesse du dessin, le collage. J’aime aussi écrire, et c’est pour moi un simple changement d’outil sans aucune prétention littéraire. Mon point de départ peut être un thème (l’eau, une culture exogène, un rituel…) ou une approche technique, ou bien encore l’œuvre d’un artiste ancien (travail sur Bellini ou sur Van Gogh actuellement).

Pourquoi est-il important de faire découvrir l’art aux enfants ?

L’enfant est un territoire, il faut le cultiver avec soin, avec ménagement, en s’adaptant aux désirs de jeux, de gratifications, de créativité. Un enfant qui a regardé des œuvres, un enfant qui a observé le monde et tenté d’en rendre sa version, est un enfant riche de curiosités, d’appétits culturels, de savoirs. Je crois à cela bien loin au-dessus de ce que l’on peut défendre (à juste titre !) de la globalité du savoir. Je crois que la créativité est un apprentissage de la liberté, cela donne à l’enfant une conception de l’espace, un désir de découverte qui va au-delà du réel et surtout permet le développement de son esprit critique relatif au surplus d’objets inutiles.

Qu’attendez-vous de l’ailleurs, d’un horizon qui n’est pas le vôtre ?

Née de la rencontre entre science et rêverie, ma pratique du dessin m’apparaît comme un cheminement continu avec sa part de rationnel et d’irrationnel, de logique et de mystère. Il s’agit de questionner le dessin sous toutes ses formes à la lumière des connaissances biologiques pour le déplacer vers un dessin dit « vivant » réalisé par des micro-organismes. Ici, les plus petits éléments de la nature figurent des « œuvres vivantes », c’est-à-dire des situations ouvertes.

Pourquoi est-il important de faire découvrir l’art aux enfants ?

Beaucoup ! Chaque dépaysement est une aventure, une découverte d’habitudes qui ne nous appartiennent pas, de paysages renouvelés. J’adore la mer, l’eau comme fluide unique et indispensable, mais aussi le sable, la frange, l’estran qui informent sur l’idée de limites et tous les résidus qu’on y trouve rejetés, polis, parfois violemment dangereux comme les plastiques. A cela s’ajoute ce que l’Autre transporte de son quotidien, comment on intègre des gestes ignorés, ce que l’immersion dans un espace nouveau créé d’émotions et de tensions. Jamais comme en voyage je n’aimerais autant pouvoir me poser là où je me trouve pour donner forme à ce que le lieu m’inspire. Que ce soit un paysage, un musée (!), un bistrot, un objet… Le changement d’horizon est un changement de haut et de bas pour la ligne du regard. Si je vois des toits toute la journée et que brutalement le fond du ciel touche la mer, mes pensées en sont bouleversées.

« Fayoum », pâte à papier, acrylique , fusain
diam.env 40 cm

« source patave »
Acrylique sur bache plastique et fusain-110 x 100 cm environ

Acrylique sur bâche plastique
2 X 1,90m environ

« 3 Mères Méditerranée »
sculpture publique -PERPIGNAN