Jean-Marc Brunet
Faire naître des paysages intérieurs
Depuis trois décennies, l’œuvre de Jean-Marc Brunet puise son inspiration dans la nature. Ses peintures, sculptures et gravures dialoguent avec des écrivains et des poètes. Les peintures de ses débuts, inspirées par la musique, le mettent en contact avec Claude Nougaro et Aldo Romano.
Suivent des années de compagnonnage avec les peintres Oswaldo Vigas, qu’il accompagne au Venezuela, Albert Bitran, Jean Rustin, avant le coup de l’Afrique avec de multiples séjours au Sénégal en compagnie de l’artiste Ousseynou Sarr. Les premières expositions à l’étranger, la réalisation de monotypes, d’illustrations et de livres-objets rendent hommage au monde de la poésie.
Jean-Marc Brunet est peintre, graveur et sculpteur.
Autodidacte, je me suis formé néanmoins dans les ateliers de grands peintres en France et à l’étranger. Depuis près de trente-cinq ans, l’espace, le territoire et le paysage sont au cœur de ma recherche. Ces thèmes sont présents dès l’origine dans mon processus de création. Et en particulier depuis douze ans, celui du Dépaysage se cristallise dans le dessin, la gravure ou la peinture. Les livres d’artiste, céramiques et sculptures composent également mon quotidien, mon travail se construit par couches successives comme un passage du temps, archéologie d’une perception jusqu’à l’image de sa présence. Je vis et travaille en France dans le département de l’Aisne.
Pourquoi êtes vous devenu artiste et comment ?
Peindre a toujours été une évidence, quelques professeurs ont laissé libre cours à mon excentricité et soutenu ma pratique artistique. Par la suite, les rencontres et le travail dans certains ateliers d’artistes, tels que Ousseynou Saar au Sénégal, Jean Rustin ou Albert Bitran en France et Oswaldo Vigas au Venezuela, ont participé à ma formation de peintre. Sélectionné en 1995 par le critique Gaston Diehl, qui expose deux grandes toiles au musée d’Art Moderne de Nice, encourage cet « état de jeune artiste ». Les échanges intellectuels avec l’auteur et collectionneur Jean-Marc Natel et son soutien pendant vingt ans, encouragent assurément ma création. En 2010, Jean Pollack m’expose aux côtés des artistes Cobra et des abstraits de la galerie Ariel et les dialogues à travers des ouvrages et livres d’artiste avec Michel Ragon, Bernard Noël, Jean-Clarence Lambert, Michel Butor, Natanaële Chatelain, Jean Orizet, (…) permettent d’ouvrir le regard.
Comment définiriez-vous votre pratique ?
La nature est une source inépuisable de formes à agencer dans un espace couleur-lumière, matière-signe. Peindre, c’est sentir intérieurement et non voir mentalement. Je suis un héritier de cette école non figurative qui a abandonné la représentation du réel, pour laisser la place à la ligne. Et de tenter d’aller au-delà du trait. Ma thématique personnelle est le « dépaysage », notion pensée à la fin des années 1950 par le poète et critique d’art Jean-Clarence Lambert. La couverture du livre éponyme avait d’ailleurs été réalisée par Pierre Soulages. Il s’agit de qualifier des productions qui s’intéressent à la nature tout en la digérant, la transformant, au point de faire naître des paysages intérieurs, comme la peinture de Zao Wou-Ki par exemple. Je me suis instinctivement inscrit dans cette veine.
Pourquoi est-il important de faire découvrir l’art aux enfants ?
Vingt années d’interventions en milieu scolaire m’ont permis de devenir formateur en Arts Plastiques à l’IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) dans le département de l’Aisne. De la petite enfance à l’école primaire, le plaisir de peindre chez l’enfant est de suite la première motivation. Pendant une séance de peinture, l’apprentissage doit être composé avec justesse : entre un espace de liberté et les notions essentielles que sont l’outil, le support, le geste, la couleur et la matière. Les ateliers enfants contribuent à la transdisciplinarité. Lien essentiel avec les autres matières, le langage, les mathématiques et l’écriture. C’est un espace vivant que l’on partage avec l’autre. J’essaie encore aujourd’hui à l’occasion de mes expositions de réaliser une rencontre avec les enfants ou une intervention auprès d’eux.
Qu’attendez-vous de l’ailleurs, d’un horizon qui n’est pas le vôtre ?
« J’abandonne maintenant le travail. L’ambiance me pénètre avec tant de douceur que sans plus y mettre de zèle, il se fait en moi de plus en plus d’assurance. La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. » Comme pour Paul Klee dans son journal à Kairouan, Tunisie, j’attends de cette résidence à la Casa Eole une transformation, une amélioration picturale. De devenir un peintre. Le voyage provoque la rencontre, l’échange artistique et modifie le regard consciemment ou inconsciemment. Mes nombreux voyages depuis 1989 dans l’ensemble du Maghreb et séjours en Afrique de l’ouest participent à l’élargissement de mon regard. On ne voyage pas si on ne rêve pas le voyage qu’on fait, pour un second rêve celui de la peinture en attente de l’invisible.